La retraite bat en retraite

L’élection présidentielle de 2027 va-t-elle tourner autour de la question des retraites ? C’est la consternante perspective qui se profile pour notre pays déboussolé. A l’heure où trois grandes puissances sont devant nous, dressées comme des murailles, à l’heure où l’économie mondiale dérégulée se fait de plus en plus féroce et que les finances de notre pays s’enfoncent dans un puits sans fin, nous nous apprêtons encore à vivre des mois et des mois de débats autour de l’âge de la retraite, dérisoire question alors que tant de défis s’accumulent devant nous. C’est du moins le résultat du rapprochement entre Sébastien Lecornu et le bloc socialiste, avec les retraites comme monnaie d’échange, alors que nous devrions de toute urgence nous attaquer aux quatre boulets que notre pays traîne aux pieds par rapport à ses voisins : depuis les 35h, nous ne travaillons pas assez, nous partons trop tôt à la retraite, le travail est trop taxé et le régime des indemnités chômage et aides sociales n’incite pas à un retour rapide au travail.

Quatre constats dont l’évidence devrait sauter aux yeux, quatre impératifs qui devraient guider toute la réflexion de notre classe politique et l’action de nos gouvernants. Mais la démagogie et le populisme amènent à propager sans cesse, et à amplifier chaque jour, l’idée qu’il suffit de passer tous les riches à la dégauchisseuse pour retrouver des horizons sereins, puisque sans riches, il n’y aura plus de pauvres. C’est évident. Ou à prétendre qu’avec 2,3 millions de chômeurs, la seule issue pour s’en sortir, c’est de faire encore plus appel à l’ immigration. Dans ce concert de clientélisme effréné, il reste heureusement quelques voix pour casser le discours ambiant. Comme celle de Maël de Calan, président du conseil général du Finistère, qui a déclaré tout net : « Revenir sur l’âge de la retraite serait un suicide collectif » (Le Télégramme). Combien de dirigeants ont le courage d’en dire autant ? Alors que se profilent les deux scrutins pivots de notre vie politique, le populisme d’atmosphère et le clientélisme électoral plongent la nation dans l’obscurité, à la consternation de nos voisins se demandant comment un pays comme le nôtre peut avoir, à ce point, la tentation du vide.

Alors, puisqu’on ne peut pas attendre grand-chose de notre classe politique, peut-être est-ce à la rue de se faire entendre. Pas celle des blacks blocs et des casseurs, pas celles de syndicalistes de profession ne faisant carrière qu’en attisant les colères et les frustrations, mais la rue des gens raisonnables, les jeunes en première ligne, venant clamer l’urgence d’agir face à la paralysie progressive d’un pays où 30 millions d’actifs ont 17 millions de retraités sur leurs porte-bagages. En traînant, en plus, une carriole surchargée de tout l’arsenal médical pour le grand âge. La seule solution, c’est de retarder l’âge de la retraite, comme tous nos voisins, pas de l’avancer, seuls contre tous, comme nous fûmes les seuls au monde à nous lancer dans les 35 heures. Personne ne nous a suivis.

Mais dans ce cortège de la raison, il faudrait que se joignent aussi des légions de retraités les plus aisés, conscients qu’ils doivent eux aussi participer à l’effort collectif parce que nous allons droit dans le mur. Et parce qu’en Grèce, au Portugal ou en Espagne, ce sont les retraités qui ont été les premiers à casquer à l’heure du renflouement. 20 %… 30 %… de baisse brutale des retraites. D’un coup, d’un seul ! Devra-t-on aussi passer par là ? Et puis, c’est à cet âge-là qu’on prend peut-être plus conscience de ce que l’on va laisser aux générations suivantes. Ce que nous allons leur céder, ce sont des montagnes de dettes et ils ne pourront même pas le refuser, cet héritage.  Alors on peut toujours espérer voir un jour des retraités prêts à participer au redressement, venir défiler derrière cette banderole. « Je ne veux pas que mon petit-fils, un jour, me maudisse  » .

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