Réapprendre à aimer les Anglais
Ils ne pouvaient plus nous voir en peinture. Ils vont nous voir en tapisserie. Les Anglais,fâchés contre l’Europe mais semblant aujourd’hui revenir à de meilleurs sentiments, vont bientôt accueillir, au Museum de Londres, l’ancestrale, vénérable et inestimable tapisserie de Bayeux, trésor français vieux d’un millier d’années. Cette broderie en forme d’immense bande dessinée de 70 mètres de long évoquant la bataille d’Hastings (1066) va traverser la Manche pour un prêt temporaire, en signe d’amitié et de réchauffement des relations diplomatiques entre les deux pays. Bien des voix se sont élevées pour mettre en garde contre les dangers de transport d’une œuvre unique au monde et d’une grande fragilité, mais Emmanuel Macron lui même a choisi d’en assumer les risques au nom de l’amitié retrouvée
Encore fâchés à Fachoda
La Tapisserie de Bayeux représente donc cette fameuse bataille sur le sol anglais qui permit à Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, de coiffer la couronne d’Angleterre après avoir traversé la Manche, il y a près de mille ans. C’est dans les années suivantes que fut brodée la célèbre tapisserie. Et depuis ce temps-là, les choses ne se sont pas vraiment arrangées entre la France et l’Angleterre, ennemis héréditaires toujours prêts à remettre le couvert. De la Guerre de Cent ans à Waterloo et de Jeanne d’Arc à l’amiral Nelson, nous n’avons cessé de batailler sur terre comme sur mer. Puis après un siècle de relative pacification, la situation tourna à nouveau au vinaigre, en 1905, du côté de Fachoda, au Soudan, où les armes faillirent recommencer à parler entre Français et Britanniques, avec risque d’extension du conflit.
Halte au feu ! Des deux côtés, on finit par convenir qu’il était temps d’arrêter les frais et de signer le fameux traité de l’Entente cordiale qui nous a permis d’affronter ensemble deux guerres mondiales puis, plus tard, de nous retrouver au sein de l’Union européenne. Mais voilà qu’avec le Brexit, les Britanniques (et principalement les Anglais) décidèrent de larguer les amarres, de nous faire une tête de six pieds de long et, entre autres, de restreindre l’accès de nos pêcheurs à leurs eaux si poissonneuses. Shocking !
Come-back
Mais nouveau revirement ! De plus en plus conscients de leur erreur, les Anglais virent de bord, se rapprochent de l’Europe et Charles III est venu à Paris faire assaut de gracieusetés. Un come-back très remarqué, suivi par une spectaculaire stratégie commune sur l’Ukraine et la Palestine qui donne du poids au duo franco-britannique sur une scène polarisée par trois grandes puissances.
C’est le retour de l’Entente cordiale, les assauts d’amitié et en guise de cadeau de retrouvailles, la tapisserie de Bayeux entamant une périlleuse traversée de la Manche, un millénaire après Guillaume le Conquérant. Après des années à se faire la tête, il nous faut réapprendre à aimer les Anglais. Donc, soyons maintenant fair-play, courtois, et bannissons les rapprochements déplacés entre Charles III et le bol breton. God save the King ! Et all you need is love. Mais n’empêche, quel pied, my godness, quand on leur a passé 52 à 10 à Twickenham !