L’humour pas net des cagoulés du net
Emmanuel Macron a lancé un grand débat sur les menaces d’internet et l’impact des réseaux sociaux sur la démocratie. Alors que se profilent à l’horizon les deux scrutins pivots de notre république (municipales puis présidentielle), de récentes élections dans d’ex-pays de l’Est ont mis en évidence de gigantesques manipulations, via le net, qui ont modifié le sort des urnes. En quelques semaines, certains partis ont décuplé leur audience.
Mais c’est une autre affaire Macron qui a défrayé la chronique cette semaine avec le procès intenté à des internautes, accusés de harceler l’épouse du Président depuis des années au motif qu’elle serait en réalité un homme, en l’accusant même de pédophilie. Y compris de l’autre côté de l’Atlantique où la même rumeur a fait la notoriété et la fortune d’une influenceuse fan de Trump.
Ah bon, c’est de l’humour ?
On s’attendait à voir les accusés arriver tête basse, à ce procès de l’indignité humaine, mais certains d’entre eux sont arrivés au contraire, très bravaches, en inversant les rôles, se muant en victimes d’un système qui veut faire taire « l’humour, la liberté d’expression et l’esprit Charlie ». Telle la « médium » Delphine Jégousse, alias Amandine Roy sur internet (notre photo) puisque chacun agit bien planqué derrière un pseudo.
De l’humour, ça ? Presqu’une insulte à Coluche et Desproges que de vouloir faire passer pour de l’humour le lynchage d’un personne, qu’elle soit épouse de président ou simple inconnue. L’humour ne se nourrit pas de sarcasmes, de ricanement et de sadisme, il suppose certains traits d’esprit et une capacité à se moquer de soi-même. De l’esprit dans cette chasse en meute contre une femme ? Car c’est bien d’un phénomène de meutes qu’il s’agit ici tant il est vrai, comme disait Brassens, que dès qu’on est plus de quatre, on devient une bande de cons. Et là, on tient d’authentiques spécimens.
L’américanisation du net
Qu’ils essaient de faire passer leur sadisme pour de l’humour, c’est déjà très gonflé. Mais qu’ils s’érigent en défenseur de la liberté d’expression, là, c’est le pompon. C’est une insulte à tous ceux qui se sont battus pour cette liberté que de faire croire qu’il y a, dans leur comportement de cagoulés du net, une bataille pour faire progresser la liberté de parole. Foutaises ! Il faut y voir plutôt une véritable américanisation du net puisqu’aux Etats-Unis, effectivement, la liberté d’expression est pratiquement sans limites Mais ce n’est pas le cas chez nous. La loi et les coutumes françaises ont érigé des barrières et des garde-fous contre les excès en tout genre, contre une parole qui ne s’imposerait aucun interdit.
Et nos ados, juste pour rire ?
On espère que les juges, dont a pu jauger la sévérité ces derniers temps, sauront aussi se montrer aussi intraitables contre ces délinquants du net qui font de leur ordinateur ou leur smartphone, une arme par destination. Car internet peut tuer, comme on a pu hélas le déplorer dans des affaires concernant des enfants, préférant se donner la mort plutôt que de supporter le harcèlement constant de leurs condisciples.
Si les juges se montrent cléments, en considérant que ce type de comportement relève de l’humour bien français et de la liberté de parole, alors les ados harceleurs pourront eux aussi, en toute légitimité, dire que s’ils ont harcelé un de leur camarade jusqu’à l’issue fatale, c’était juste de l’humour, juste pour rire. Et à défaut de l’esprit Charlie, que ce n’était que de l’esprit potache et de la liberté de parole.