Des chaussons pour nos députés
Il faut sans doute y voir un effet covid. Voilà que le chausson connaît un regain de forme après avoir été totalement ringardisé, notamment par la déferlante baskets. Mais les confinements covid sont passés par là et la pantoufle a constitué une (maigre) consolation à l’obligation de rester cloîtrés chez soi. Le chausson n’est toutefois plus seulement la charentaise d’hier puisqu’on le retrouve aujourd’hui décliné dans une infinité de formes et de couleurs. C’est la fantaisie qui semble primer pour faire de cet accessoire un nouveau marqueur de personnalité.
Dans les pays nordiques où, par définition, il fait plus froid que chez nous, le chausson a même fait son apparition dans des entreprises. Certes pas dans la métallurgie où il vaut mieux avoir des chaussures de sécurité que des pantoufles à pompon. Mais dans des boites où la créativité prime, on y voit un petit bonus pour favoriser la concentration dans une atmosphère sereine et douce, ajoutant même une note d’égalité entre les uns et les autres quand le patron et l’employé se croisent en chaussons.
Alors forcément, on se dit qu’il y a bien un lieu où le chausson serait aujourd’hui tout à fait à sa place : notre Assemblée nationale, bien sûr. D’abord parce que c’est le seul lieu, en Europe, où on considère qu’il faut avancer l’âge de la retraite, donc du pantouflage, alors que partout ailleurs, c’est la démarche inverse qui s’impose avec force. On a parfois l’impression d’être chez les cinglés, en se disant qu’il faudrait attribuer le Chausson d’or à LFI et au RN, les plus engagés, depuis des années, dans la conviction que pour régler nos insondables problèmes de dette abyssale, il faut avancer l’âge de la charentaise et du canapé devant la télé. Alors forcément, nos voisins européens sont éberlués quand ils regardent cette assemblée du peuple aux effluves de maison de retraite.
« On a mal aux fesses «
Mais si notre Assemblée paraît prédestinée à chausser les pantoufles, voire même à pantoufler dans ces chaussons, c’est aussi parce que le lieu est très inconfortable. Les bancs de l’Assemblée sont nettement moins accueillants que ceux réservés aux arrière-trains de sénateurs. Une députée finistérienne, à laquelle on avait un jour demandé sa première impression après son entrée dans l’hémicycle, avait eu cette réponse d’une admirable franchise : « On a mal aux fesses ».
Alors oui, comme dans les entreprises des pays nordiques, les chaussons douillets pour compenser les bancs inhospitaliers aideraient peut-être nos députés à avoir un peu plus de créativité. Et à se rendre enfin compte qu’avec des vieilles recettes pour préparer l’avenir du pays, on marche complètement à côté de nos pompes.