La peur mauvaise conseillère
« Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, alors on est en risque.» Le général Fabien Mandon, chef des Armées (photo) n’a pas fait dans la dentelle en s’exprimant ainsi au congrès des maires de France. Alors que les grands militaires ont plutôt pour habitude de rester sur la réserve quand ils s’expriment publiquement, lui n’a pas hésité à mettre les pieds dans le plat avec une telle brutalité qu’on peut légitimement penser qu’il ne s’est pas engagé dans cette voie étroite sans l’assentiment du chef de l’État.
Alors certes, le pays a parfois besoin qu’on le secoue un peu, au moins pour redonner de la cohésion nationale et le remettre face aux réalités géopolitiques, mais le contexte ne paraît pas le plus favorable à l’adresse d’une population frissonnant déjà d’un pessimisme autodestructeur pour son économie. Faute d’avoir une puissance exportatrice pour tirer notre croissance, comme l’Allemagne ou l’Italie, en raison de notre coût du travail, c’est sur la consommation que nos finances publiques puisent l’essentiel de leurs ressources, via notamment la TVA, le premier impôt. Or c’est justement là que ça coince. Notre manque de confiance en l’avenir nous pousse à une épargne inédite et excessive (19 % actuellement) qui nous met sur le podium mondial de l’argent de côté. Rajouter une couche sur le registre de la peur n’est pas la meilleure option en ce moment. Et venir parler d’envoyer les enfants sur le front, n’est pas non plus le bon stimulant pour le réarmement démographique que Macron appelle de ses vœux. Certes, le général parlait des enfants de la patrie, ceux qui font le choix de l’uniforme, mais le manque de nuance dans son propos a fait l’effet d’une bombe.
La peur, en l’occurrence, est mauvaise conseillère et l’exemple vient parfois d’en haut. L’attitude de Ursula von der Leyen, dirigeante de l’Europe, dans le bureau ovale de Trump, montre à quel point la crainte est dévastatrice, surtout devant un matamore qui se montre faible avec les forts et impitoyable devant les faibles. Pour un peu, elle lui embrassait la main alors qu’il venait de la détrousser comme au coin d’un bois.
Et nos enfants ?
Mais à l’inverse, ce pays a besoin qu’on lui tienne un langage ferme et grave pour parler justement d’économie. Nous nous sommes mis nous-mêmes dans la panade financière et les horizons bouchés en faisant le choix de travailler moins et moins longtemps que tous nos voisins. Les 35 heures et la retraite à 60 ans ont laminé notre économie, enchéri le coût de tout ce que nous produisons et creusé dramatiquement le trou de nos finances publiques.
Là, il serait plutôt salutaire qu’une voix d’autorité vienne faire peur à la nation pour la remettre dans un chemin plus prometteur. François Bayrou s’y est essayé mais son discours a fait un bide parce qu’il n’a pas l’envergure pour tenir un tel rôle. Et parce que ce pays, quand on parle d’économies ou d’efforts à faire, a pour habitude de répondre « même pas peur ». Et pourtant, comme pour le front du général Mandon, ce seront nos enfants qui seront un jour en première ligne face au gouffre de nos déficits. C’est eux que nous envoyons au casse-pipe !