Le casse du siècle, rayon outillage

Topkapi. C’est le nom d’un musée d’Istanbul mais aussi le titre d’un film-culte rapportant dans le détail les préparatifs et l’exécution d’un cambriolage hors-normes pour s’emparer de bijoux dans ce musée de la capitale turque, aux multiples systèmes de protection. Le jeune Joe Dassin joue un petit rôle dans ce film américain réalisé par son père Jules, qui a inspiré bien d’autres productions sur le même registre du fric-frac de haut vol. A l’époque, il fallait des mois de repérages, de surveillance constante, la recherche de plans et même s’entraîner à de l’acrobatie pour tenter de mettre la main sur un trésor exposé dans un musée.

Dimanche, on était plutôt dans le film de série B. Pas une super-production mais du cinéma low-cost dont le scénario semble avoir été écrit au rayon outillage. D’abord, il y a le camion monte-charges comme on en voit dans tous nos centres-villes. La version nacelle est plus moderne mais elle demande une manipulation qui peut faire perdre du temps. Et si le système tombe en panne, on est marron. L’échelle du monte-charge, c’est plus sûr pour les monte-en-l’air, comme disait Brassens. .

Et puis, il y a les gilets jaune et orange, identifiant bien les hommes au travail, ou parfois en pétard lors de rassemblements protestataires. Ce qui n’était nullement le cas. Belle précaution également avec les cônes orange, ces ustensiles qui sont le marqueur du périmètre d’un chantier, au même titre que les rubalises ceinturant une scène de crime. Le cône orange, c’est rassurant. Ça sent le travail et les mesures de précaution. Les cambrioleurs ont en revanche évité le casque de travail car il ne masque pas le visage. Ils ont préféré le casque de moto qui vous protège autant que la cagoule pour vous permettre de jeter anonymement un cocktail molotov sur des policiers qui seront ensuite accusés de violences sur les manifestants.

Et puis il y ces fameuses disqueuses, scies circulaires qui vous tranchent comme un rien une vitre épaisse de deux centimètres. Au Louvre, elles ont servi à découper vitres des fenêtres comme vitrines des joyaux, avec une efficacité qui aurait sidéré Joe Dassin, dans les années 60. Et, symbole suprême de notre époque, le smartphone a couronné le tout. C’est notre couteau suisse d’aujourd’hui, l’outil à tout faire qui vous permet de photographier discrètement les lieux, avec la précision au centimètre près, mieux encore que des plans de la salle qu’il fallait jadis se procurer.

Ce cambriolage rocambolesque, avec des moyens somme toute dérisoires, donne une idée des risques qui planent sur toute la France, nation phare du patrimoine historique mondial. Aucun autre pays ne possède une telle diversité de monuments classés, abritant des œuvres de grande valeur, dont la protection mobiliserait des milliards d’euros s’il fallait tous les mettre aux normes les plus rigoureuses. On n’y est pas encore.

Accessoirement, ce casse spectaculaire va poser un autre problème : plus aucune équipe de techniciens ne va pouvoir déployer un camion nacelle, le dimanche sur les coups de 9h, sans risquer de voir débouler la police à fond de train, en pensant qu’ils s’apprêtent à mettre la main sur les bijoux de la Castafiore.

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