Y a-t-il aujourd’hui plus de cons qu’hier ?

« Le 1er avril prochain, je prendrai un arrêté pour interdire aux cons la traversée de Plérin ». Ronan Kerdraon, le maire de cette commune proche de Saint-Brieuc, a fait cette annonce sur facebook et comme on l’imagine, elle n’est pas passée inaperçue. Elle était lancée sur le ton de l’humour mais dans un contexte de controverse avec un opposant, ce qui a gommé toute forme de second degré et créé une polémique bien de saison.

Ce projet d’arrêté du maire a au moins pour mérite de poser une question d’actualité : y a-t-il aujourd’hui plus de cons qu’hier ? La réponse est oui ! Et qu’on nous pardonne d’utiliser souvent ce mot fâcheux dans ce qui va suivre puisqu’il est irremplaçable.

Tous ces mots disparus

Or donc, il est incontestable que ces trois petites lettres sont beaucoup plus présentes dans notre vocabulaire qu’elles ne l’ont jamais été et que les cons volent en escadrille dans notre langage courant et sont donc bien plus nombreux qu’hier. La raison : l’appauvrissement de notre langue. Durant des siècles nos aïeux ont façonné avec gourmandise des injures imagées pour qualifier leurs contemporains et pendant longtemps on traita de faquin, cuistre ou fesse-mathieu, butor et faraud, ganache, malotru ou jean-foutre, paltoquet, escogriffe, sagouin et même grand dépendeur d’andouilles et pas seulement à Guémené. De nos jours hélas, tous ces qualificatifs fleuris ont sombré dans l’oubli pour être remplacés par le petit mot. Tous des cons ! Alors oui, dans notre vocabulaire courant, pas de doute il y a plus de cons aujourd’hui qu’hier, avec la variante connard très usitée au volant. Mais moins en Bretagne que dans le sud car, avec la pluie, on a le plus souvent la vitre fermée.

Et que dire de ce pauvre capitaine Haddock avec ses boit-sans-soif, bougre d’ectoplasme, brontosaure, emplumé, kroumir, végétarien ou encore hydrocarbure, vivisectionniste, mérinos, cloporte, coloquinte, crème d’emplâtre, wisigoth, doryphore, gyroscope, vieille baderne… De nos jours il ne crierait plus « bande de bachi-bouzouks » mais plutôt « bande de cons ! ». Et Tintin s’offusquerait « Vous délirez capitaine ».

L’accélérateur des réseaux sociaux 

Mais s’il y a plus de cons aujourd’hui qu’hier, c’est aussi en raison de l’explosion des réseaux sociaux. Ils sont l’exacte application de la célèbre formule de Michel Audiard, « Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ». Et que sont les réseaux sociaux sinon justement cet endroit où on ose tout ? Ou on perd toute notion de contrôle et de retenue, de nuance et de mesure. Et que l’on soit maire ou citoyen lambda, on se lâche, ce qui finit par donner de très mauvaises habitudes puisque même dans les conseils municipaux on se met maintenant à parler comme sur les réseaux. Et ça fait des étincelles. Alors pas de doute, c’est prouvé, les réseaux nous rendent cons. Et les Russes arrivent même à nous faire passer plus cons que nous ne sommes en manipulant ces réseaux avec leurs algorithmes perfides.

Mais ne pensons pas que les cons, ce sont seulement les autres, et qu’en Bretagne on, les distingue surtout quand il pleut. Non, nous le sommes tous plus ou moins en vertu d’un adage disant qu’on est tous le con d’un autre. Que nos comportements quotidiens, nos pensées exprimées, nos petits travers trop souvent exposés, il nous arrive, forcément, de passer un jour où l’autre pour des cons. Ou à tout le moins de paraître un peu concon, ce qui constitue la forme la plus bénigne pas toujours la plus flatteuse.

Alors, admettons-le, nous le sommes tous à des degrés divers. Tous plus ou moins, au nom d’un autre vieil adage stipulant que la connerie est la chose la mieux partagée au monde. Donc, s’il met son arrêté anti-cons en application le 1er avril, le maire de Plérin risque fort de se retrouver tout seul. Ses contradicteurs ajouteront que pour la même raison, il devra fermer la porte de la mairie et aller faire un tour ailleurs.

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