J. Le Vourch : « L’exception française est à l’oeuvre partout ».

Jean Le Vourch est éléveur laitier en retraite. Mais à la pointe bretonne, beaucoup savent qu’il a tracé un itinéraire très exceptionnel l’amenant notamment à présider aux destinées du groupe Even (6.200 salariés aujourd’hui), du Crédit agricole du Finistère ou en encore de la Fédération nationale des coopératives laitières. Entre autres. Des fonctions où il a pu observer de près les évolutions de l’économie et de la politique, avec parfois de regrettables télescopages. Alors comment juge-t-il la période très compliquée que nous traversons ? Il nous répond d’un trait en dressant un tableau qu’au Louvre on pourrait intituler « Mauvaise humeur, un jour d’automne »…

« Quel que soit le sujet, dit-il, la trop fameuse « exception française » est à l’œuvre partout ! Un ex-Président sous les verrous, ce n’est pas courant ! Je ne suis pas certain que le prestige de notre pays s’en trouve renforcé… Depuis la dissolution de l’Assemblée, on enfile les « perles ». Macron a tout foiré, par inconscience, par déconnexion du terrain, par hubris ? Nous voilà revenus sous la IVe République, en pire, au regard de la durée de vie d’un gouvernement ! Les chefs de partis se sont reconvertis en boutiquiers en troc : une non-censure contre un 49/3…  Ce type de marchandage ne tient évidemment pas compte de l’intérêt du pays, chacun ayant à cœur de sauvegarder son siège. Ben oui, normal !
Plutôt que de chercher des économies, nous voilà repartis pour 14 milliards d’impôts supplémentaires. Nos entreprises sont les plus taxées de l’espace européen, on en remet une couche. Que l’on s’étonne que nos salaires soient significativement plus bas que chez nos voisins…

« Pourquoi ne pas retenir la durée de cotisation ?  »

Nous avons désormais plus d’un million de fonctionnaires de plus que l’Allemagne qui compte 15 millions de citoyens supplémentaires. Chez nous tout est doublé, triplé voire quintuplé du fait de notre mille-feuille administratif ! Et nous sommes biberonnés à l’assistanat permanent, chaque année un peu plus.
La sur-réglementation française n’est plus à démontrer. Même si le parlement est à l’arrêt, la machine administrative fonctionne à plein : selon David Lisnard, pas moins de 27 directives ont été publiées en… trois semaines! Corsetant un peu plus les communes, les entreprises et les citoyens! Ça paraît comme une justification de l’emploi fonctionnaire. L’encre n’est pas sèche qu’on met une suivante en chantier!
Notre dette abyssale croît et embellit chaque jour sans que nos députés s’en émeuvent outre mesure. Le président de la commission des finances, Éric Coquerel, ne semble pas être un féru d’économie. Qu’à cela ne tienne, les gens de gauche sont d’une grande générosité, et ce d’autant plus qu’il ne s’agit pas de leur argent ! J’ai rencontré beaucoup de gens généreux de ce style dans ma carrière..
Dans une telle situation, je n’arrive pas à comprendre que le dossier de l’âge de la retraite bloque le pays et cristallise les débats. J’ai quelques amis étrangers qui ne comprennent pas cette passion. Pourquoi ne retenons nous pas la durée de cotisation ? Si c’est 170 trimestres (42,5 ans), celui qui veut partir avant ou après, partira avec la prestation correspondante. C’est trop simple? Au passage , merci pour le procès fait aux « boomers » taxés d’égoïstes : ils ont travaillé jusqu’à 65 ans et pas aux 35h! Je pense qu’ils ont participé activement à la construction du pays.

« 22 millions de salariés du privé

pour assurer l’ensemble »

Lorsque nos régimes sociaux ont été instaurés en 45, la retraite était à 65 ans et l’espérance de vie à 63 ans! On ne prenait pas grand risque! Après les 60 ans, les 35h, et l’espérance de vie à quasi 80 ans, notre système ne peut pas tenir. Pas besoin d’être grand clerc pour le comprendre, sauf à écraser encore davantage nos entreprises. Faut-il rappeler que ce sont (seulement) 22 millions de salariés du privé qui assurent le fonctionnement de l’ensemble. Or la démographie ne semble pas bien orientée, tandis le nombre de retraités augmente mécaniquement. J’étais encore aux affaires (Even, ÇA, FNCL) et j’abordais le problème sous l’angle de la TVA sociale. Il me semble nécessaire d’élargir la base de financement à la consommation qui aurait l’avantage d’inclure les produits importés. Tout le monde y participerait, les retraités comme tout le monde: il n’est pas incongru de participer à un système dont on bénéficie par ailleurs. Ce serait plus simple que d’inventer des taxes  à la tête du client, ou une eniême usine à gaz…
Je lis dans Les Échos de ce jour que les 27 s’apprêtent à interdire le gaz russe. Après plus de trois années de guerre il serait temps!  Ce qui me navre, c’est la naïveté dont nous faisons preuve tant en Europe qu’en France! On va prendre la décision d’abattre les drones « étrangers » après une série d’atermoiements depuis plus de trois semaines! Effarant!  J’arrête là. Ça n’engage que moi. Comme je n’ai pas (encore) tout oublié, j’observe cette actualité qui interroge. J’ignore où on va, mais c’est sûr, on y va!  Ce devait être en 2010 à un pot de nouvel an à la Préfecture de Région et Michel Cadet m’avoua «  qu’on allait dans le mur ! » Ou plus avant, lorsque Raymond Barre qui était en visite à Even, nous avait glissé « les Français rebondiront quand ils toucheront le fond ! ». La question est de savoir s’il y a un fond… »

(Les intertitres ont été rajoutés)

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